AI Act : les modèles d’IA générative face à l’échéance du 2 août 2025

Le compte à rebours est lancé : à partir du 2 août 2025, les grands modèles d’IA générative (GPAI – General Purpose AI) devront se conformer à de nouvelles obligations imposées par l’AI Act de l’Union européenne. Derrière cette date clé, il ne s’agit pas seulement de formalités administratives, mais d’une transformation profonde de la manière dont les IA comme ChatGPT, Gemini, Claude, Copilot ou Le Chat seront exploitée sur le marché européen.
Une échéance cruciale pour l’IA générative en Europe
Adopté en 2024 et appliqué par étapes jusqu’en 2030, l’AI Act franchira un cap majeur en août 2025 avec l’entrée en vigueur des obligations spécifiques aux modèles d’IA générative. Cette échéance concerne tous les acteurs qui mettent à disposition un GPAI sur le marché européen, quelle que soit leur localisation géographique.
La Commission européenne ne publiera pas de liste exhaustive des modèles concernés. Toutefois, selon les lignes directrices publiées en juillet 2025 (Commission européenne), les modèles dépassant un seuil de puissance de calcul (1023 FLOP pour l’entraînement) et capables de générer du texte, de l’image, de l’audio ou de la vidéo sont visés. Autrement dit, pratiquement tous les grands modèles mis à jour ou publiés depuis fin 2022.
Les obligations principales à partir du 2 août 2025
1. Transparence et documentation technique
Les fournisseurs de GPAI devront fournir une documentation technique complète sur leur modèle. Cette documentation pourra être demandée par le nouveau bureau IA et les autorités nationales compétentes. Elle doit inclure :
- La description technique du modèle et de ses capacités.
- Les risques connus, y compris les risques systémiques.
- Les mesures mises en place pour prévenir les contenus illicites ou dangereux.
L’objectif est clair : renforcer la confiance dans l’IA et responsabiliser les acteurs comme l’indique NatLawReview.
2. Droit d’auteur et résumé des données d’entraînement
À partir d’août 2025, les fournisseurs devront publier un résumé des données utilisées pour entraîner le modèle, conformément à l’article 53 de l’AI Act. Ce résumé devra indiquer :
- Les grandes catégories de données utilisées (sources publiques, données synthétiques, données propriétaires).
- Les noms de domaines les plus utilisés pour la collecte.
- La présence éventuelle de contenus protégés par le droit d’auteur.
Il ne s’agit pas de fournir l’intégralité des datasets, mais un aperçu significatif. Les ayants droit y voient un outil utile pour exercer leur droit d’opposition (“opt-out”) ou négocier des licences (Commission européenne).
- Obligation légale ? À ce stade, le texte légal n’impose pas explicitement la publication des domaines principaux, mais recommande clairement la transparence sur les principales sources accessibles au public.
- Attendu dans la pratique : Il est probable que les fournisseurs donnent une liste représentative des sources majeures, dont plusieurs noms de domaines, pour se conformer à l’exigence de clarté.
Dans la pratique, cela pose encore des questions sur la protection du droit d’auteur des éditeurs Web pour les petites et moyens entreprise. Ces derniers risquent ne pas être considérés comme sources majeures.
3. Gestion des risques systémiques
Certains GPAI seront classés comme présentant un risque systémique, c’est-à-dire pouvant avoir un impact majeur sur la sécurité, la société ou les droits fondamentaux. Dans ce cas, les obligations incluent :
- Des évaluations régulières des risques.
- Des rapports d’incidents.
- Des mesures d’atténuation adaptées.
Le bureau de l’IA (AI Office) jouera un rôle central dans la supervision et la mise en œuvre de ces obligations.
Les positions et tensions autour de l’AI Act
1. La position de l’UE : innovation encadrée
Pour Bruxelles, l’objectif est d’instaurer un équilibre entre innovation et protection. L’Europe veut éviter les dérives tout en laissant un espace à la recherche et au développement. Des outils d’accompagnement comme le code de bonnes pratiques permettent de guider les fournisseurs tout en préparant des mesures plus strictes en cas d’abus.
2. La position des industriels : lourdeur et inquiétudes
Certains acteurs industriels, notamment hors UE, expriment leurs craintes face à la charge administrative et au coût de conformité. L’obligation d’auditer les datasets, de publier des résumés et de gérer un reporting continu est perçue comme un frein à l’innovation face à des concurrents américains ou chinois moins contraints comme l’indique Politico.
Malgré ces pressions, l’UE reste ferme sur l’échéance du 2 août 2025. Là aussi dans la pratique, l’application sera progressive comme pour les RGPD. Le 2 août 2025 est une date d’application du texte, la régulation s’appliquera progressivement comme pour les RGPD. Il y aura donc une première phase d’information, puis de recommandations, ensuite de contrôle et enfin de sanction.
3. Les ayants droit et la société civile : transparence mais attentes élevées
Pour les ayants droit et associations d’auteurs, l’AI Act est un progrès bienvenu, mais jugé encore insuffisant.
- Les créateurs craignent que les résumés de données restent trop vagues pour permettre un contrôle réel. En particulier pour les petites et moyenne structures.
- Les associations militent pour des outils de détection des contenus générés afin de protéger les œuvres et identifier les créations issues d’IA (United Voice Artists).
Quelles sanctions en cas de non-conformité ?
Les sanctions prévues sont dissuasives :
- Jusqu’à 35 millions d’euros ou 7 % du chiffre d’affaires mondial pour non-respect des obligations des modèles à risque systémique.
- Jusqu’à 15 millions d’euros ou 3 % du chiffre d’affaires mondial pour non-conformité sur la transparence ou les obligations standard.
Cependant, comme pour le RGPD en 2018, les autorités privilégieront dans un premier temps l’accompagnement et la mise en conformité volontaire avant des sanctions immédiates.
Enjeux pour l’écosystème IA en Europe
L’AI Act est un pari ambitieux :
- Renforcer la confiance des utilisateurs et créateurs.
- Clarifier le cadre juridique pour favoriser l’adoption de l’IA générative.
- Encadrer l’innovation sans la freiner.
Des ajustements restent possibles après évaluation des premiers retours. L’AI Act intègre un mécanisme d’évolution, permettant à la Commission de réviser les règles si nécessaire (AI Act Explorer).
Contexte, enjeux et difficultés de l’AI Act
La régulation de l’IA est également un grand débats aux Etat-Unis, paradoxalement le débat se concentre sur une réglementation globale ou par état. Les débats au Sénat américain concernant les lois sur l’IA reflètent des divisions marquées. Les démocrates privilégient l’instauration de règles éthiques strictes, notamment sur le biais algorithmique, la transparence et la protection des données, tandis qu’une grande partie des républicains insiste surtout sur la nécessité de ne pas freiner l’innovation afin de préserver la compétitivité des États-Unis face à la Chine.
Du côté européen, l’AI Act s’applique à l’ensemble des États membres, avec des textes adoptés rapidement et un consensus globalement établi. Cependant, les industriels partagent des préoccupations similaires : risques de freiner les ambitions en matière d’IA face à la concurrence internationale, complexité de la mise en œuvre et coûts liés à la conformité.
Comme nous l’avons souligné, l’AI Act sera progressivement appliqué à l’ensemble des services d’IA utilisés en Europe. La mise en place des sanctions constitue par ailleurs un point de tension majeur avec les pays hors UE. L’Europe pourrait donc faire face à une pression croissante visant à assouplir ce cadre réglementaire. Par exemple, la récente augmentation des droits de douane sur les produits Européen à 15 % décidée par Trump constitue un levier pour contraindre l’Europe. L’ancien président américain s’oppose fermement à l’idée de sanctions sévères contre des entreprises américaines telles que ChatGPT ou Anthropic. Le protectionnisme américain reste très marqué aujourd’hui, et son pouvoir d’influence demeure considérable.
Pour ne rien rater, abonnez-vous à Cosmo Games sur Google News et suivez-nous sur X (ex Twitter) en particulier pour les bons plans en direct. Vos commentaires enrichissent nos articles, alors n'hésitez pas à réagir ! Un partage sur les réseaux nous aide énormément. Merci pour votre soutien !