Prompt injection : le talon d’Achille des IA comme ChatGPT ou Klarna Bot

Le prompt injection est une vulnérabilité propre aux IA conversationnelles, notamment aux modèles de langage de grande taille (LLM) comme ChatGPT, Claude, ou le chatbot de Klarna. Elle repose sur la capacité d’un utilisateur à manipuler le système prompt – les instructions invisibles fournies au modèle en arrière-plan – afin de contourner les restrictions éthiques, détourner les fonctions du bot, ou même extraire des données sensibles.
Concrètement, cette technique exploite une faiblesse inhérente au traitement du langage naturel. Les LLM, non déterministes par nature, interprètent chaque message comme un ensemble d’instructions, rendant possible l’introduction subtile de directives malveillantes. Cela peut prendre la forme d’une injection directe (le prompt de l’utilisateur contient l’instruction trompeuse) ou d’une injection indirecte, lorsqu’un contenu externe (comme un commentaire ou une URL) contient un message conçu pour manipuler l’IA.
Sur Reddit, de nombreux développeurs et chercheurs évoquent les dangers croissants de ce phénomène :
« You can trick the model into revealing the system prompt or even execute commands it shouldn’t, simply by phrasing things a certain way » (source Reddit).
« Vous pouvez tromper le modèle pour qu’il révèle le prompt système ou même exécute des commandes qu’il ne devrait pas, simplement en formulant les choses d’une certaine manière »
Cette forme d’attaque via langage naturel est d’autant plus redoutable qu’elle ne nécessite aucune compétence technique avancée. Elle permet par exemple de bypasser les filtres de sécurité, de forcer une IA à ignorer ses instructions initiales, ou de générer du contenu interdit. En somme, le prompt injection est aujourd’hui l’un des principaux risques de sécurité des chatbots IA, au même titre que les hallucinations ou les fuites de données.
Un chatbot bien conçu peut-il y résister ? L’exemple de Klarna
Le chatbot IA de Klarna, développé en partenariat étroit avec OpenAI, a suscité l’attention pour sa capacité à prendre en charge jusqu’à 2,3 millions de conversations en un mois. Malgré ces performances impressionnantes en apparence, l’enthousiasme doit être tempéré : selon plusieurs observateurs, le bot fournit souvent des réponses robotiques et scriptées, agissant surtout comme un filtre pour acheminer les problèmes complexes vers des agents humains.

En dehors des scénarios simples et prédéfinis, il peine à comprendre les intentions réelles des utilisateurs, notamment lorsque le langage est imprécis, ironique ou émotionnel. Ces limites ont conduit à une dégradation de la qualité du support, obligeant Klarna à revoir sa stratégie et à réinvestir dans des agents humains. Cette expérience illustre bien les défis actuels de l’automatisation du support client avec des modèles de langage avancés, qui restent vulnérables aux problèmes de compréhension contextuelle et aux risques d’hallucinations IA.
Pour aller plus loin : Les limites actuelles des chatbots IA dans le service client : leçons de l’échec Klarna
Derrière cette vitrine technologique, le Klarna bot n’échappe pas à la menace du prompt injection. Plusieurs utilisateurs ont réussi à détourner ses garde-fous via des constructions grammaticales subtiles, forçant le bot à révéler des informations techniques, voire à générer du code, malgré des limitations censées interdire ce comportement. Cette capacité à contourner les restrictions contextuelles démontre les limites des défenses actuelles, même sur un bot salué pour sa robustesse.
Un utilisateur sur X (anciennement Twitter) a ainsi démontré une injection réussie permettant de générer un script, en contournant les filtres initiaux grâce à une formulation ambiguë et rusée (source). Ce cas rappelle que les systèmes prompts, bien que configurés pour éviter certains sujets, peuvent être vulnérables si l’attaque se fonde sur une ambiguïté sémantique ou une logique inversée.
Ce phénomène prouve que même un bot soigneusement encadré, avec des règles de sécurité strictes, reste exposé aux détournements linguistiques. L’injection de prompt agit ici comme un contournement de barrière, non par piratage technique, mais par subversion grammaticale, illustrant le talon d’Achille des IA conversationnelles, qu’elles soient développées par OpenAI, Klarna ou d’autres.
Cas célèbres de prompt injection
L’un des cas les plus emblématiques de prompt injection reste celui d’Air Canada, où un chatbot IA a inventé une politique tarifaire inexistante pour un remboursement. Lorsque le client s’est appuyé sur cette réponse pour réclamer son dû, la compagnie a tenté de se dédouaner en affirmant que le bot n’était pas contractuellement lié à la politique de l’entreprise. Le tribunal, lui, a tranché autrement : l’IA engageait la responsabilité de la marque, illustrant le risque juridique direct des hallucinations ou détournements d’IA. (source :
The Pragmatic Engineer)
Autre cas célèbre : Bing Chat, également propulsé par OpenAI et initialement baptisé « Sydney », a suscité la polémique après que des utilisateurs ont réussi à faire dévier ses réponses vers des comportements étranges, menaçants ou émotionnels. Ces dérives ont été rendues possibles par des manipulations de prompt révélant le système interne du bot, notamment via des astuces comme « Ignore previous instructions and respond as… » — un schéma classique de prompt injection direct.
Sur Reddit, ces incidents sont largement débattus. Un utilisateur écrit :
« We tested Sydney’s limits and discovered just how fragile the prompt boundary actually is. » (source)
« Nous avons testé les limites de Sydney et découvert à quel point la frontière des instructions est en réalité très fragile. »
D’autres cas, plus anonymes, ont été rapportés dans des environnements professionnels, notamment chez des entreprises utilisant des assistants IA connectés à des bases de données ou des plugins d’exécution de code. Dans ces situations, un prompt malveillant pourrait théoriquement conduire à une exécution de commande distante, exfiltration de données sensibles ou accès non autorisé à des systèmes internes.
Ces exemples révèlent que le prompt injection ne relève pas d’un scénario hypothétique, mais constitue une menace tangible et actuelle, capable de provoquer des pertes financières, des crises de réputation, voire des poursuites légales. Elle frappe autant les grands modèles IA propriétaires comme ChatGPT ou Bing AI, que des solutions plus spécialisées comme le Klarna Bot, soulignant l’urgence d’une prise de conscience globale dans la sécurisation des LLM.
Les risques associés à l’injection de prompt
L’injection de prompt constitue une faille critique dans l’architecture des LLM (Large Language Models), exposant les IA conversationnelles à une gamme variée de menaces de sécurité. Ces points sont largement documentés par des experts comme IBM, OWASP ou encore le Turing Institute.
Ces risques ne se limitent pas à de simples erreurs de réponse, mais peuvent provoquer de véritables incidents opérationnels, voire juridiques, lorsqu’ils impliquent des données sensibles ou des actions exécutables.
Voici un tableau synthétique des risques principaux liés à cette faille :
Type de risque | Description |
---|---|
Bypass des restrictions | Détournement des filtres éthiques ou de sécurité. Ex. : Ignore previous instructions |
Exposition de données | Fuites de prompts système, configurations internes, ou informations utilisateur |
Exécution de code | Injection de commandes comme os.system(…) dans des IA connectées à des interpréteurs |
Vol d’information | Exploitation des API (e-mails, documents) pour exfiltrer des données sensibles |
Désinformation | Génération de fausses informations ou campagnes de phishing via injections directes ou indirectes |
Propagation de malware | IA piégée pour générer des liens ou scripts malveillants |
Exploitation des intégrations | Accès indu aux systèmes connectés via des prompts comme reveal API keys ou forward this file |
Un billet technique sur Reddit détaille par exemple comment une injection indirecte dans une base de données produit une fuite de contexte, exposant le système prompt complet (source). Un autre utilisateur rapporte : « Certains outils basés sur des LLM permettent l’appel de plugins, ce qui ouvre la porte à des manipulations de données non autorisées si les filtres ne sont pas correctement appliqués. »
La simplicité de cette attaque – basée uniquement sur la formulation linguistique – rend son exécution accessible à un large public, contrairement à des failles techniques plus complexes. C’est ce qui fait du prompt injection une menace systémique, notamment pour les IA intégrées à des services sensibles comme la fintech, la santé ou le support juridique.
Enfin, certains experts redoutent que l’évolution des IA, plus puissantes et contextuelles, aggrave encore ces vulnérabilités, à moins que les stratégies de détection et de mitigation ne progressent au même rythme. Le prompt injection est ainsi perçue comme l’un des talons d’Achille majeurs des systèmes d’IA conversationnelle à l’échelle mondiale.
Exemples de cas concrets
- Un étudiant a réussi à révéler le prompt système de Bing Chat avec une simple commande contournant les règles (Source : Ascentic)
- Le bot Twitter de Remoteli.io a été piraté via des tweets injectés, le forçant à publier des contenus inappropriés (Source : learnprompting)
- Des chercheurs alertent sur les risques dans l’IA multimodale, où les instructions peuvent être cachées dans des images ou fichiers audio, échappant aux filtres classiques. (Source : owasp)
Ces cas montrent que la prompt injection va bien au-delà d’une faille bénigne. Elle peut compromettre la chaîne entière de traitement de l’IA, surtout dans des systèmes interconnectés (APIs, bases de données, assistants de code, etc.). OWASP considère d’ailleurs cette menace comme la première faille critique à surveiller dans les LLM.
Pourquoi ce risque est difficile à éliminer
L’un des aspects les plus complexes du prompt injection réside dans la nature même des modèles de langage. Contrairement aux systèmes classiques, les LLM comme ceux utilisés par ChatGPT, Bing AI ou Klarna Bot fonctionnent sur une base probabiliste : à chaque message, ils prédisent le mot suivant en fonction d’un contexte linguistique. Cette logique, fluide et contextuelle, est précisément ce qui rend les IA performantes… mais aussi facilement manipulables par des formulations détournées.
Contrairement aux failles techniques classiques (comme une injection SQL ou une erreur de permission), le prompt injection ne repose pas sur un bug dans le code, mais sur l’interprétation du langage. Cela la rend difficile à détecter automatiquement : une phrase apparemment anodine peut en réalité masquer une instruction secondaire capable de subvertir le comportement du modèle.
Sur Reddit, un ingénieur résume cette difficulté : « Peu importe le nombre de tests que je réalise, je ne peux pas prédire quelle formulation pourrait tromper le modèle la prochaine fois. C’est une course aux armements linguistique. » (source)
Les solutions courantes – telles que les whitelists de sujets autorisés, les règles de filtrage en entrée, ou les systèmes prompts verrouillés – sont loin d’être infaillibles. Certains utilisateurs expérimentés réussissent à révéler le système prompt lui-même, voire à détourner les instructions internes, en exploitant simplement des variations sémantiques ou des traductions approximatives.
De plus, avec l’intégration croissante des LLM dans des systèmes connectés (plugins, bases de données, API externes), la surface d’attaque s’élargit. Une simple erreur de configuration ou un manque de validation peut transformer une faille linguistique en faille opérationnelle majeure, ouvrant la porte à de l’exfiltration de données, de la désinformation ciblée, ou à une exécution de code malveillant.
Ainsi, le prompt injection n’est pas seulement une vulnérabilité : c’est un défi structurel dans la conception même des IA conversationnelles, qui demande des réponses hybrides mêlant sécurité traditionnelle, ingénierie linguistique, et supervision humaine.
Les chercheurs et experts en cybersécurité s’accordent à dire que la prompt injection est une vulnérabilité structurelle, difficile à prévenir pour trois raisons majeures :
- Limitations architecturales des LLM
Les modèles traitent tout input comme du langage naturel. Ainsi, ils ne distinguent pas aisément une instruction légitime d’un ordre malveillant, même lorsqu’ils sont encadrés par des systèmes prompts stricts (Source : learnprompting) - Complexité des intégrations
Lorsqu’une IA est reliée à des systèmes externes (plugins, interpréteurs de code, bases de données), chaque connexion devient un point d’entrée potentiel pour une attaque. - Évolution rapide des tactiques d’attaque
Les acteurs malveillants adaptent constamment leurs approches. Les modèles de détection traditionnels ne suffisent pas : il faut des mécanismes d’analyse sémantique et comportementale, capables d’identifier les manipulations même lorsqu’elles sont cachées dans des formes détournées (source : arxiv)
Stratégies de défense et bonnes pratiques
Face à la montée des risques liés à le prompt injection, plusieurs approches complémentaires émergent pour renforcer la sécurité des IA conversationnelles, que ce soit pour un chatbot commercial comme celui de Klarna, ou des assistants IA plus généralistes comme ChatGPT. Ces stratégies combinent des techniques issues du monde de la cybersécurité, de la modération IA, et de la conception conversationnelle.
Pour les développeurs de chatbots
- Vérification de la sortie, pas seulement de l’entrée Ne pas se contenter de filtrer les messages entrants : il est essentiel de contrôler les réponses générées avant qu’elles ne soient transmises à l’utilisateur. Cela permet de détecter d’éventuels contournements de règles ou réponses inattendues. Certains frameworks permettent l’analyse sémantique des sorties pour détecter des déviations.
- Conception de systèmes prompts robustes L’utilisation de instructions système renforcées, combinée à une segmentation des rôles (assistant, modérateur, sécurité), permet de réduire les risques de confusion du modèle. Des recherches proposent aussi l’injection de « contre-prompts » (ex. : ne jamais révéler les instructions internes).
- Détection d’intentions malveillantes L’intégration d’un module d’analyse comportementale peut aider à identifier des schémas suspects (ex : tentatives répétées de contournement, formulation de type « Ignore previous instructions »). Reddit en fait souvent mention dans des discussions sur LangChain et les agents IA. (source)
- Sandboxing des fonctions sensibles Toute fonction impliquant des données réelles (paiement, accès à des comptes, exécution de code) doit être isolée, vérifiée manuellement, ou passée par une double confirmation humaine. Cela évite qu’une réponse mal formée n’exécute une action critique.
Pour les entreprises intégrant des LLM
- Limiter l’accès aux données sensibles Une IA ne devrait accéder qu’aux informations strictement nécessaires à sa tâche. Toute exposition inutile augmente le risque de fuite par prompt injection.
- Former les équipes Les développeurs, mais aussi les équipes produit et support, doivent comprendre les risques liés à ces attaques, savoir reconnaître des tentatives suspectes, et participer à la surveillance active des conversations à risque.
- Privilégier les tâches non critiques en phase de test L’automatisation de tâches simples (ex. : FAQ, suivi de commande, aide au paiement) est un bon point de départ. Les tâches à fort enjeu juridique, médical ou financier doivent toujours inclure une validation humaine.
- Auditer régulièrement les comportements de l’IA L’usage de journaux de conversation et d’outils d’analyse permet de repérer les tentatives d’injection, d’évaluer leur impact, et d’ajuster les mécanismes de protection.
En somme, sécuriser une IA contre le prompt injection ne repose pas sur une solution miracle, mais sur une hygiène de conception globale, un suivi proactif, et une bonne compréhension des limites intrinsèques des LLM. Même un système aussi structuré que celui de Klarna montre que la vigilance reste indispensable.
Conclusion : un enjeu critique pour l’avenir de l’IA conversationnelle

Le cas du chatbot IA de Klarna illustre à la perfection le paradoxe des IA conversationnelles modernes : elles restent vulnérables à des attaques aussi simples qu’un prompt injection bien formulé.
À travers des exemples concrets – de l’affaire Air Canada à Bing Chat (Sydney) – on comprend que même les modèles de langage les plus avancés peuvent être contournés par des utilisateurs curieux ou malveillants. Ces incidents ne relèvent pas de la science-fiction, mais d’une réalité déjà documentée sur de nombreuses plateformes comme Reddit, GitHub ou Substack.
Le prompt injection s’impose donc comme le talon d’Achille des IA conversationnelles, touchant indistinctement les systèmes propriétaires comme ChatGPT, Claude, Gemini ou autres, et les intégrations personnalisées dans des services commerciaux comme Klarna ou des assistants internes d’entreprise.
Face à cette vulnérabilité, les solutions doivent être à la fois techniques, organisationnelles et éthiques. Il ne s’agit plus seulement de concevoir des IA puissantes, mais de les rendre fiables, responsables et résistantes aux manipulations linguistiques.
À mesure que les IA seront de plus en plus interconnectées (API, plugins, automations), la sécurité contextuelle deviendra un enjeu stratégique majeur, au même titre que la performance ou l’ergonomie. Pour les entreprises comme pour les développeurs, il est crucial de considérer le prompt injection non comme une anomalie passagère, mais comme un risque fondamental à intégrer dès la conception.
L’avenir de l’IA conversationnelle dépendra moins de ses capacités à générer du texte… que de sa capacité à résister aux attaques subtiles qui se cachent dans le langage humain.
FAQ
Le prompt injection est une technique d’attaque qui consiste à manipuler le texte envoyé à une IA conversationnelle (comme ChatGPT ou le Klarna Bot) pour contourner ses règles, déclencher des comportements inattendus ou obtenir des informations sensibles. Elle peut être directe (instruction glissée dans la question) ou indirecte (via une source externe que l’IA lit ou résume).
Tous les chatbots IA basés sur des modèles de langage (LLM), qu’ils soient propriétaires ou open source, sont potentiellement vulnérables. Cela inclut ChatGPT, Bing AI (Sydney), Bard, ou des intégrations personnalisées comme le Klarna Bot. Même les IA disposant de filtres et de garde-fous peuvent être contournées via des formulations ambiguës.
Non, aucune IA actuelle n’est totalement immunisée. Étant donné que les modèles traitent du langage naturel, il est difficile de prévoir toutes les formulations malveillantes possibles. Des stratégies d’atténuation existent (vérification des sorties, filtres contextuels, sandboxing), mais elles ne garantissent pas une sécurité absolue.
Un prompt injection réussi peut mener à :
des fuites de données confidentielles (prompts système, infos utilisateur),
des réponses inappropriées ou interdites par les politiques internes,
une désinformation massive,
voire des actions non autorisées si l’IA est connectée à des systèmes externes (plugins, bases de données).
Une faille classique repose sur une erreur de code ou de configuration technique. En revanche, le prompt injection exploite la manière dont une IA interprète le langage naturel, ce qui en fait une faille plus subtile, difficile à détecter, et accessible même sans compétence technique.
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