La controverse de Telegram : l’utilisation pour des actes illégaux

Telegram controverse Pavel Durov

Telegram, bien qu’apprécié pour sa grande sécurité et sa confidentialité, a suscité de nombreuses controverses en raison de son utilisation pour des activités illégales. La plateforme est fréquemment critiquée pour son rôle dans la facilitation d’actes criminels tels que le trafic de drogue, la diffusion de contenus terroristes, le cyberharcèlement, et même la coordination de mouvements extrémistes.

Les controverses sur la messagerie Telegram sont nombreuses, elle est également critiquée pour favoriser la diffusion virale des fausses informations et pour propager de contenus haineux, néonazis, pédophiles, complotistes ou terroristes.

Samedi 24 août au soir, Pavel Durov, CEO et co-fondateur de Telegram, a été interpellé par les autorités judiciaires françaises. Il faisait l’objet d’un mandat de recherche français pour plusieurs infractions : fraude, trafic de stupéfiants, cyberharcèlement, apologie du terrorisme, criminalité organisée, photos pédopornographiques et autres. Après son audition par un juge le mercredi 28 août, il est désormais sous contrôle judiciaire avec les obligations suivantes : verser un cautionnement de 5 millions d’euros, se présenter deux fois par semaine au commissariat, et ne pas quitter le territoire français. Selon Forbes, il y a également une enquête en cours pour des faits présumés de violences répétées sur son fils de 7 ans en Suisse.

Ce qui est surprenant, c’est que Durov soit passé en France malgré le mandat de recherche. Pavel connaissait pourtant l’existence du mandat et l’ensemble des faits qui lui étaient reprochés.

Selon le communiqué de presse du tribunal judiciaire de Paris, la justice reproche à Pavel Durov de ne pas prendre de mesures ni de coopérer avec les autorités judiciaires pour contrer ou éliminer ces comportements illégaux. Le mandat de recherche a été lancé à la suite d’une information judiciaire lancée le 8 juillet 2024. De son côté Pavel Durov défend une liberté d’expression sans limite et une protection des données des utilisateurs de Telegram.

A lire : Telegram est-il vraiment sécurisé, crypté et anonyme ?

Pavel Durov, un homme difficile à cerner

Durov est né à Saint-Pétersbourg, en Russie, où il a terminé ses études à l’Université d’État de Saint-Pétersbourg en 2006. La même année, il a cofondé le site de réseautage social VKontakte avec son frère aîné Nikolai. Plus tard renommé VK, ce réseau social est rapidement devenu connu comme le Facebook russe, et son fondateur a été comparé à Mark Zuckerberg.

Pavel Durov, un homme difficile à cerner
Source : Instagram

Pavel Durov se sépare du réseau social VKontakte (VK) en 2014, année de l’invasion de l’Ukraine et un durcissement notable du régime. Les raisons de son départ sont principalement liées à des pressions politiques et à des conflits avec les nouveaux actionnaires, dont des oligarques russes proches du Kremlin.

Après avoir refusé de livrer des données d’utilisateurs ukrainiens aux autorités russes, Durov a été contraint de vendre ses parts dans l’entreprise et de quitter la Russie. Son départ marque la fin de son contrôle sur VK et le début de son exil, où il se concentre ensuite sur Telegram. Il se présente comme un opposant à Vladimir Poutine, ce qui rend le discours du Kremlin sur l’arrestation de Durov très suspect.

Telegram a été créé en 2013, lors de sa fuite hors de Russie, l’homme a pu garder la main sur Telegram.

L’exil de Pavel Durov

Telegram, qui compte près de 1 milliard d’utilisateurs, a été créé par Durov et son frère en 2013 en Russie. Après le lancement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, Telegram est devenu la principale source de contenu non filtré et sécurisé des deux camps du conflit.

Pavel Durov fondateur de Telegram
Source : Instagram

L’application est largement utilisée par des responsables russes et ukrainiens, y compris le président ukrainien Volodymyr Zelensky. C’est également une source d’information pour de nombreux journalistes qui traite le conflit en Ukraine.

Durov a quitté la Russie en 2014 à la recherche d’un nouveau domicile pour son entreprise, testant des villes comme Berlin, Singapour et San Francisco. Dans un premier temps, Durov a obtenu la citoyenneté de la nation caribéenne de Saint-Kitts-et-Nevis grâce à un investissement de 250 000 dollars américains. Il a mené un style de vie relativement nomade, avant de s’installer à Dubaï, qui, selon Forbes, est actuellement sa résidence actuelle.

L’exil de Pavel Durov
Source : Instagram

Il a également été annoncé en 2021 que le milliardaire avait également reçu la citoyenneté française. Les raisons exactes pour lesquelles la France lui a accordé la citoyenneté ne sont pas complètement claires, mais cela pourrait être lié à son statut de personnalité influente dans le monde de la technologie et à son engagement envers la liberté numérique et la vie privée.

La difficulté de trouver un équilibre entre liberté d’expression et modération de contenu illégal est au centre de la controverse Telegram sur les réseaux sociaux et de nombreux journaux. Toutefois il s’agit plus de la défense de l’état de droit qu’une attaque contre la liberté d’expression, comme l’indique Le Monde dans son article.

L’arrestation de Pavel Durov est-elle vraiment sujette à controverse ?

L’arrestation de Pavel Durov en France est sujette à controverse, Telegram est aujourd’hui une application très utilisée avec 700 millions d’utilisateurs actifs par mois. Elle est appréciée pour sa confidentialité, comme source d’information (mais aussi désinformation), toutefois les usages illégaux de l’application sont au cœur du débat.

D’une part, elle est perçue comme une mesure de répression contre un défenseur de la liberté numérique et de la vie privée. Cela soulève des préoccupations parmi de nombreux utilisateurs concernant la liberté d’expression.

D’autre part, la liberté d’expression n’est pas sans limites. Les accusations liées à des activités illégales sur Telegram telles que le trafic de drogue, la pédophilie, le cyberharcèlement et l’organisation criminelle, suscitent des débats sur la responsabilité de la plateforme en matière de modération de contenu et de sécurité publique. A noter, Pavel Durov se présente comme un libertaire, un terme qui dépasse largement la liberté d’expression et s’oppose à l’état de droit.

En France, la loi qui rend une plateforme responsable de son contenu est la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004. Elle impose aux hébergeurs et aux plateformes numériques de retirer rapidement tout contenu illégal dès qu’ils en ont connaissance. De plus, la loi Avia de 2020 renforce ces obligations en matière de modération de contenus haineux et illégaux, imposant des obligations de retrait rapide sous peine de sanctions. Ces lois visent à prévenir la diffusion de contenus illégaux et à protéger les utilisateurs en ligne.

D’un point de vue de la loi française, il n’y a pas vraiment de controverse sur Telegram. La diffusion de contenus illégaux (ventes de drogue, pédophilie, vente d’armes, organisation terroriste …) par l’intermédiaire de l’application de messagerie est bien illégale. L’absence de modération est le principal chef d’accusation.

Les actes illégaux sur Telegram

Beaucoup d’utilisateurs de Telegram n’ont pas conscience du contenu illégal que l’on trouve sur la messagerie, cette méconnaissance alimente la controverse.

Telegram est de plus en plus utilisé pour diverses activités illégales, et cette tendance a été particulièrement marquée en 2024. Voici les principaux types d’activités illégales qui se déroulent sur la plateforme :

Activités criminelles organisées

Enfin, Telegram est également impliqué dans des activités criminelles organisées telles que la coordination de gangs et d’autres formes de crime organisé, où des groupes utilisent l’application pour recruter, organiser et exécuter des crimes tout en évitant la surveillance policière grâce aux fonctions de messagerie cryptée de Telegram.

Des ministres de la justice en Suède et au Danemark, par exemple, ont récemment exhorté les entreprises technologiques à renforcer les mesures de prévention contre ces activités​.

Source : All Tech News.

Trafic de drogue

Le traffic de drogue est extrêmement répandu sur Telegram, en France et dans le monde entier. Il est extrêmement facile de s’en procurer. Il y a même des canaux pour le recrutement des petites mains du traffic, comme l’indique Le Monde dans son enquête.

À Singapour, Telegram est utilisé pour faciliter les transactions de drogues. Depuis 2019, le Bureau central des stupéfiants (CNB) a arrêté plus de 500 personnes impliquées dans des transactions de drogue via Telegram. La plateforme offre des canaux de communication fermés qui sont populaires parmi les trafiquants de drogue pour acheter et vendre des substances en toute discrétion​. Source : CNA

Activités de cybercriminalité

Telegram est fréquemment utilisé pour des activités de cybercriminalité telles que le « carding » (vente de cartes de crédit volées), la vente de combolists (listes de données volées comme des adresses e-mail, mots de passe, et informations de connexion bancaire), ainsi que la distribution de botnets (réseaux d’appareils infectés utilisés pour des attaques coordonnées).

Les cybercriminels exploitent l’anonymat et la portée mondiale de Telegram pour vendre ces informations volées et des outils de piratage à d’autres criminels, ce qui rend la plateforme attrayante pour les activités criminelles​. Selon WestPost, les activités cybercriminelles sur Telegram ont augmenté de 53 % en 2024.

Source : All Tech News.

Diffusion de contenu extrémiste et désinformation

Telegram a également été utilisé pour propager du contenu extrémiste et de la désinformation, notamment en facilitant la coordination de manifestations violentes et en diffusant des théories du complot.

Par exemple, l’application a été utilisée pour organiser des émeutes anti-immigrés au Royaume-Uni, ce qui a incité le gouvernement britannique à surveiller de près la plateforme pour des activités incitant à la violence​. (Source : BizNews.com)

Cela pose un problème particulièrement aigu en période de crise, comme lors de la pandémie de COVID-19. Pendant cette période Telegram a été utilisé pour partager de fausses informations sur les vaccins et les traitements.

Aujourd’hui c’est également un vecteur de la désinformation sur la guerre en Ukraine ou le conflit Israélo-Palestinien. Comme nous l’avons indiqué précédemment, c’est également une source d’information pour les journalistes, associé à un travail de vérification des informations, photos et vidéo. Cette recherche sur la véracité des informations est parfois très complexe.

Trafic d’animaux

Telegram est souvent utilisé pour diverses activités illégales, ce qui en fait une plateforme controversée. Parmi les actes illégaux les plus courants sur Telegram, on trouve le trafic d’animaux sauvages, où des espèces protégées sont vendues via des canaux privés.

Par exemple, à Singapour, le commerce illégal d’animaux sauvages a doublé entre 2021 et 2023 sur Telegram, malgré les efforts des autorités pour arrêter ces activités. Les espèces les plus recherchées incluent des tortues étoilées indiennes, des tortues léopard et des scorpions​(

Source : Ground News.

Manque de modération et responsabilité de la plateforme

Telegram Pavel Durov Manque de modération et responsabilité de la plateforme
Source : Instagram

Le manque de modération sur Telegram est un sujet de préoccupation. Contrairement à d’autres plateformes qui investissent dans des équipes de modérateurs et des algorithmes de détection de contenu, Telegram a une approche très libertaire en matière de contrôle de contenu. Elle est souvent justifiée abusivement par le respect de la liberté d’expression, comme l’a fait Elon Musk dernièrement.

Toutefois, cela a aussi permis à des contenus violents, haineux, et illégaux de se propager. Les critiques soutiennent que cette approche permissive contribue à la prolifération d’activités illicites et à la désinformation.

Réponse de Telegram et de Pavel Durov aux controverses

Pavel Durov et son équipe ont souvent répondu aux controverses en affirmant que la protection de la vie privée et la liberté d’expression sont des principes fondamentaux de Telegram. Cependant, face à une pression croissante de la part des régulateurs et des gouvernements, Telegram a parfois dû ajuster ses politiques, bien que de manière limitée.

Par exemple, la plateforme a fermé certains canaux associés à des groupes terroristes après des critiques publiques, mais ces actions sont souvent vues comme réactives plutôt que proactives.

Réponse de Telegram et de Pavel Durov aux controverses
Source Instagram de Pavel Durov

Son arrestation en France a provoqué un débat sur la responsabilité des plateformes numériques et sur la liberté d’expression, avec certaines voix accusant les autorités de mener une « chasse aux sorcières » contre Durov.

Telegram a réagi en affirmant que Durov n’a « rien à cacher » et a dénoncé comme « absurde » l’idée que la plateforme ou son fondateur soient tenus responsables des abus commis par des utilisateurs. C’est une défense surprenante puisque ce qui est reproché à Telegram est l’absence de modération de contenu illégaux qui pullulent sur la plateforme. Au regard du droit français et de nombreux autres pays, les réseaux sociaux comme les sites Web sont soumis à une obligation de contrôle du contenu.

Pavel Durov, un homme aux nombreux ennemis

Pavel Durov, un homme aux nombreux ennemis
Source Instagram de Pavel Durov

Au-delà de la controverse sur Telegram, Pavel Durov a de nombreux ennemis. Principalement en raison de ses positions sur la liberté numérique et de son refus de coopérer avec les autorités gouvernementales. Au vu de la variété des activités illégales sur Telegram, Pavel Durov s’expose également à des groupes criminels et terroristes. Il est vu par beaucoup d’acteurs comme une clef à des informations sensibles.

  1. Gouvernement russe : Durov est en conflit ouvert avec le gouvernement russe depuis qu’il a refusé de fermer des communautés d’opposition sur son réseau social VKontakte en 2014 et, plus tard, de fournir les clés de chiffrement des utilisateurs de Telegram aux services de sécurité russes. Cela a conduit à des tentatives de blocage de Telegram en Russie en 2018, bien que ces efforts n’aient pas été entièrement efficaces. Le gouvernement russe le considère comme un élément perturbateur et dangereux, notamment parce qu’il a continué à refuser de se conformer aux demandes de surveillance.
  2. Gouvernements et agences de régulation : En Europe, États-Unis, Chine, Inde, Royaume Uni, Australie, Turquie, Indonésie et d’autres pays, les agences gouvernementales et régulateurs considèrent Telegram comme une menace en raison de son utilisation par des groupes extrémistes, des criminels et des diffuseurs de désinformation.
  3. Compétiteurs et acteurs du secteur technologique : Durov a également de nombreux opposants parmi d’autres géants de la technologie. Son engagement ferme envers la confidentialité des utilisateurs et sa critique ouverte des autres plateformes pour leur coopération avec les gouvernements ont créé des tensions. Il critique régulièrement des entreprises comme Facebook pour ce qu’il considère comme une collecte excessive de données et une surveillance des utilisateurs, ce qui peut être perçu comme une menace pour ces entreprises.

Ces ennemis proviennent de divers secteurs, allant des gouvernements aux concurrents industriels, en passant par les autorités de régulation et les défenseurs de la sécurité nationale, tous préoccupés par la nature ouverte et sécurisée de Telegram et les positions libertaires de Durov sur la vie privée et la liberté d’expression.

Un équilibre délicat entre liberté et sécurité

Telegram se trouve dans une position délicate, essayant de maintenir un équilibre entre l’anonymat des ses utilisateurs et la nécessité de prévenir les abus sur sa plateforme.

L’arrestation de Pavel Durov pourrait forcer l’entreprise à revoir ses politiques de modération et de sécurité. Si Telegram ne parvient pas à trouver cet équilibre, il risque non seulement des implications juridiques mais aussi de perdre la confiance de ses utilisateurs.

La gestion de ces controverses et la manière dont Telegram abordera ces défis seront cruciales pour son avenir, surtout dans un monde où la réglementation et la surveillance des plateformes numériques deviennent de plus en plus nécessaires.

A lire : Telegram : comment supprimer ses données et son compte ?

Mise à jour le 27 août : ajout des informations sur le communiqué de presse du tribunal judiciaire de Paris.

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Un commentaire

  1. On m’a fait une petite démonstration pendant les vacances : contact rapide ( il faut naviguer un peu dans différents groupes), prise de rendez-vous, en moins de 24 heures on se retrouve avec la commande d’un produit « décontractant ».

    Franchement… J’étais très étonné de la facilité. Je suis pour la liberté d’expression, mais là on va bien au-delà.

    Si c’était aussi facile pour un simple produit, j’imagine assez facilement qu’on peut trouver bien pire.

    Telegram est une zone de non droit, ça me rappelle les débuts d’internet on trouvait tout et n’importe quoi.

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